mardi 18 novembre 2014

Assistance Grand Raid 2014

Assister une coureuse d'une des épreuves du Grand Raid est un vrai boulot !
Il y a certes les ravitaillements organisés par l'association qui gère les trois courses (Diagonales des Fous (172km), Trail de Bourbon (92km) et Mascareignes (67km)). Mais le coureur a ses manies, ses exigences, ses habitudes et sa tactique de course qui l'obligent à prévoir des ravitaillements complémentaires. Si l'on se fie au règlement des courses, ils sont d'ailleurs autorisés en amont et aval des ravitaillements officiels jusqu'à une certaine distance.
Ln avait ainsi prévu minutieusement la nourriture, les boissons, les vêtements, les chaussures à proposer à divers endroits du parcours...encore fallait-il une bonne âme pour se démener et être présent aux heures de passage prévues.
L'assistance a commencé avant la course. Pendant trois jours à Cilaos, faire la cuisine, rassurer, prodiguer sans avoir l'air de mettre la pression quelques conseils ultimes, faire éviter des marches inutiles et surtout interdire d'aller voir les coureurs de la Diagonale des Fous qui passaient vendredi pour ne pas "sortir de sa course".
Pendant qu'LN ne faisait rien la veille du départ du Trail de Bourbon, les participants du club à la grande épreuve ont pu profiter du mini-stand Deniv' en face de la Mare à Joncs. Lorsqu'ils passaient : un bonjour, quelques questions pour cerner leurs éventuels besoins en eau, nourriture, massage, réconfort, ... Ceux-là ne s'attardaient guère, ayant encore plus de 100km à parcourir. Une invitée de marque dès le matin a animé le lieu. Le club avait la lourde et grande responsabilité du ravitaillement de la favorite...Malgré une liste précise de tâches à réaliser fournies par Nathalie Mauclair, la mission a été partiellement remplie puisque sa boisson de l'effort a été trop diluée dans la bouteille pourtant marquée. Ne nous en tenant pas rigueur, elle est repartie souriante et déterminée vers la victoire. Nous ferons le bonheur des pages sportives des deux quotidiens de La Réunion du lendemain  et d'une vidéo !

Plus tôt, le premier masculin s'était fendu d'un regard vers l'objectif, sa foulée aérienne menant avec une classe folle ce grand corps de vigneron à presque 14km/h et après plus de 60km de course ! A Cilaos, déjà, il y avait lui et les autres...

Ln, respectant les consignes, n' a pas profité de ces péripéties pour garder son jus. Le dernier repas de pâtes a permis les ultimes calages et une fois avalé, elle est allée se coucher.
A trois heures du matin, il faut se lever pour emmener les cinq Déniviens sur la ligne de départ puis retourner au gîte, charger les bagages dans la voiture, avaler quelques calories et convaincre les enfants de venir près de la ligne de départ pour voir leur maman passer. Une fois avoir vu Ln dans la masse trottinant vers le Kerveguen, nous filons dans l'auto. Il s'agit d'être dans les premiers sur la route qui descend à Saint-Louis et éviter les encombrements. Dans les centaines de virages, le petit-déjeuner est malmené et les enfants vomissent...à l'extérieur de l'habitacle ! Dès que nous sommes sur la quatre voies, ils finissent leur nuit alors que le jour pointe et il faut toute la volonté du conducteur pour ne pas s'endormir aussi. A Saint-Denis, les sacs sont déchargés, une douche est prise, les animaux sont nourris, quelques posts sur Facebook  rédigés.
A pied les trois cirques sont proches. En voiture, ils sont distants et il ne faut pas traîner !
Ln et son assistant personnel. à Hell-Bourg
Direction Hell-Bourg pour le premier ravitaillement d'Ln. L'accès est facile et l'organisation est remarquable. Sous les arbres, nous attendons les coureurs du club. Ln parait au sortir du sentier de Bélouve. De la Cilaos (eau gazeuse locale) dans un verre, quelques barres de céréales placées dans les poches du sac et un massage plus tard, elle repart sans traîner. Parmi nos amis, les visages sont encore frais pourtant il faut soigner les gros bobos de celui-ci. Un autre abandonne, incapable de respirer correctement. Les drames se nouent qui vont alimenter les récits épiques du parcours dénivelé. Celui-ci arrive, les larmes aux yeux. La peur le paralyse dans les descentes qui lui remémorent une chute dans une précédente course ; il ne dut la vie qu'à quelques racines où s'agrippèrent ses mains alors que le corps était happé dans le vide. Il songe à s’arrêter puis repart à peine confiant. Nous rangeons le matériel en attendant la dernière coureuse du club.

Reprendre la voiture vers Grand Îlet pour le ravitaillement suivant. Il faut monter vers le début du Sentier Scout. Malgré l’étroitesse de la route et les nombreuses voitures des suiveurs garées à qui mieux mieux, les coureurs sont protégés grâce à des feux installés et un passage réservé avant de basculer dans le cirque de Mafate. Le temps se gâte, la température est fraîche. Les sacs de ravitaillement sont placés sous le parapluie. Les Déniviens passent au point de ravitaillement. Les écarts se sont creusés. L'ambiance est bonne qui accueille les forçats du sentier. La pluie s'invite. Des coureurs à l'équipement minimum, vêtu du seul t-shirt de course déboulent trempés. C'est un spectacle pour les ravitailleurs. Il faut s'employer aussi. Poser des questions aux coureurs du club. Celui-ci demande un massage, les muscles durs après la longue montée. Le baume Kalmanou fait des miracles. Ln aussi, se fera masser sous la pluie, posée sur un rocher. Des tragédies sportives pièces prennent fin sur les bords du cirque de Salazie. C'est une tristesse de voir un camarade de club relancé à Hell-bourg, jeter l'éponge maintenant. Il a essayé mais les souffrances du corps ont eu raison de sa volonté. Pour d'autres, la fin du scénario reste en suspens. Finira-t-elle alors qu'il reste plus de la moitié du chemin à parcourir, le ventre vide, incapable d'avaler du solide ou du liquide ? Dépassera-t-il sa peur du vide; lui qui était si mal à Hell-Bourg ? Il demande "Tu es en voiture...je peux rentrer avec toi ?". Après une hésitation : "Oui, mais il faudra que tu patientes jusqu'à la la fermeture du poste de ravitaillement vers 18h, J'attends le dernier Dénivien. Cette perspective ne l’enchante guère et il poursuit son chemin. Il finira la course. On retrouve un autre suiveur sous les gouttes, venu aider sa femme. Quand elle s’arrête à sa hauteur, il lui apprend qu'elle est première dans la catégorie. Loin d'être rassurée, elle reste tendue et ne montre aucune satisfaction apparente. Elle file sans se poser vraiment. Vers la victoire ? On apprendra son abandon aux 2/3 de la course, torturé par des maux de ventre et affaiblie par les vomissements. Pour chaque coureur de Deniv', une photo est prise, envoyé à un camarade qui est connecté et qui diffuse les infos en direct sur la page du club !
On laisse Ln, avec des encouragements et une consigne "Avancer le plus possible tant qu'il fait jour". Dans la traversée de Mafate, elle se contente des ravitaillements officiels. Uniquement accessible à pied, ce cirque ne permet pas l'assistance de notre chère coureuse. Comment sera-t-elle à la sortie de Mafate ? Pour le savoir, on reprend l'auto, parcourt la moitié de l'île, retourne à la maison, s'occupe de la pitance des enfants et des animaux, publie sur Facebook, mange quelque peu.
Le point de rencontre suivant est Dos d'Âne. Se garer est toujours difficile dans ce village. Il faut être patient et chanceux. Garé, loin du lieu convenu, on marche pour retrouver Ln et les autres coureurs du club. Il y a du monde et une ambiance formidable. Un groupe de musiciens amateurs du quartier improvise un Maloya pour accueillir les coureurs du Trail fourbus par la montée entre Deux-Bras et Dos d'Âne et ceux du Grand Raid, non moins épuisés qui viennent du stade de Halte Là . On dirait l'arrivée au col du Tourmalet : chaque coureur est applaudi et les vivas le portent sur les derniers mètres montant du sentier. Ils ont du mal à fendre la foule pour poursuivre leur chemin ou à trouver une place ou se ravitailler tant la foule veut voir, toucher les héros du jour. On retrouve notre ami perclus de crampes. De nouveau, un massage au baume lui permet de repartir avec des jambes neuves pour finir l'épreuve. Ln parait. Elle n'a besoin de rien d'autre que d'eau gazeuse. Elle a bien mangé et s'est faite massé par une kiné à Deux Bras. Le soutien moral est bienvenue alors que la nuit est avancée. On insiste sur le classement et les progrès en descente qui permette une place honorable. "C'est formidable ce que tu fais !". Montrer le positif pour relativiser les douleurs et la fatigue après vingt heures de course.
Le prochain rendez-vous est à la Possession. Il y a là un stand Deniv'. Il est stratégique; les participants aux trois courses du week-end y passent. Des moyens matériels conséquents, du monde pour réconforter, nourrir, masser, remplir les bidons. Il permet de remettre d'aplomb même les plus épuisés pour les derniers kilomètres. L'ambiance est conviviale au milieu de la nuit. La brigade des bénévoles du club attend les derniers Déniviens. Ln y arrive plus vite que prévu. Elle s’arrêtera longuement : changement de tenue complète, petits soins, massage et crêpes ! Notre suiveur aussi doit repartir car son travail n'est pas terminé. Ramener une coureuse qui a abandonné à la maison.
Ln à la Grande Chaloupe
Repartir au plus vite pour ne pas manquer Ln à la Grande Chaloupe alors que le jour se lève. Elle n'est plus très lucide. Les mots sont importants. "Tu es bien descendue. Celui qui vient de te doubler à fond de train sur les pavés ne faisait pas la course...Au contraire, tu as encore gagné des places !". Il s'agit maintenant de l'accompagner quelques centaines de mètres sur le plat avant qu'elle n'emprunte l'ultime montée. "On se revoit à l'arrivée !" est lancé comme une promesse et par la même c'est une obligation pour Ln d'en finir.
Retourner à Saint-Denis est une vraie difficulté. Comme Ln, le sommeil manque pour conduire en sécurité. Arrivée à la maison, quelques minutes pour dormir sont les bienvenues. La douche pour réveiller le bonhomme et un thé noir sont nécessaires et se préparer au meilleur : l'arrivée d'Ln au Stade de la Redoute. Elle se fait attendre sous le soleil Dyonisien. Lorsqu'elle quitte le sentier et entre dans le stade, elle est vraiment marquée. "Cours sur les derniers mètres !". C'était le dernier conseil après trente heures d'effort. Le reste n'est que bonheur et partage. C'est la satisfaction du ravitailleur. Il a fait le job pour que sa coureuse aille au bout de son exploit. Sa dernière action sera de donner une paire de savates à Ln qui s'allonge dans l'herbe. Et il pense au Grand Raid. Quand elle s'y alignera, il faudra assurer une assistance pendant 60h !


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