lundi 8 mai 2017

Assesseur en bureau de vote.

Hier, j'ai vécu une expérience passionnante comme assesseur d'un bureau de vote.
J'ai vu défiler les électeurs devant le cahier d'émargement que je leur tendais après qu'ils eurent glissé leur bulletin dans l'urne transparente et cadenassée. 
Il y avait là dans cette salle de classe de CM2, un concentré de La Réunion, unie dans un même acte. Certes, ce bureau n'était pas représentatif. Néanmoins, j'y ai vu ce qui faisait que j'aime habiter sur cette île et j'ai été immergé dans l'essence même de la démocratie : le vote ! Quelques électeurs m'ont renvoyé à ma famille. C'est une troublante situation que de voir un des siens dans la personne qui vient signer.
J'ai vu les Kaf, les gros et petits blancs, les malbars, les zarab, les zoreil, les sinoi, des français d'origine malgache et africaine et la multitude de gens métissés. Il y avait des électeurs de tous âges même si la moyenne d'âge était sans doute de cinquante ans. 
J'ai été ému par cette jeune née en 1999 qui venait voter pour la seconde fois. Elle est restée discuter avec le président du bureau sur l'importance d'aller voter. J'ai remercié particulièrement tous ceux qui avaient l'âge de mes deux aînés car il n'est pas simple de se démarquer de sa génération en exécutant cet acte civique. Les miens ne l'ont pas fait...
J'ai été ému par cette vieille femme si maigre et alerte, née en 1923. Venue seule, elle avait un large sourire quand elle a signé. Émue aussi par ce monsieur qui marchait avec une canne, handicapé par deux jambes raides. Il était avec son fils à qui il aurait pu donner une procuration. Avec difficulté et dignité, il a pris le temps de poser sa canne, de s'appuyer sur la table et de se pencher lentement pour déposer son bulletin. 

J'ai vu ma grand-mère maternelle dans cette autre dame, née comme elle à Bombay en 1931. Comment ensuite était-elle arrivée à La Réunion ? Etait-elle déjà française ou a t elle été naturalisée ? Aujourd'hui, elle votait. Ma grand-mère était anglaise n'a jamais pu voter aux élections françaises. Cela la peinait, elle qui a passé sa vie en France pour y élever huit enfants. 
En détaillant attentivement les lieux de naissance du cahier d'émargement, j'y ai vu ces Français aux noms à consonance italienne ou espagnole nés à Tunis, Casablanca ou Alger aux temps des colonies d'Afrique du Nord, pieds-noirs venus retrouver le soleil sur ce caillou volcanique. Je ne sais pourquoi, je les ai trouvé particulièrement sympathiques dans leur sourire et leur façon de nous souhaiter bon courage. 
J'y ai vu ces Indiens nés à Pondichery ou sur la côte Malabar et j'ai imaginé leur famille quittant leur pays de misère pour une vie meilleure dans la France géographiquement la plus proche pour eux. 
Dans ce bureau de vote, j'ai vu aussi quelques stars locales. Pour la première fois, j'ai serré la main à un évêque et souri à la gouaille de Madame Aude. J'ai vu l'air grave d'entrepreneurs locaux importants sans doute soucieux du résultat pour leurs affaires. J'ai fait signer des amis et des connaissances qui ne s'attendaient pas à me voir là et partagé quelques mots avec eux. Il y avait aussi de nombreux parents venus montrer à leurs enfants curieux comment se déroulait le vote. 
J'ai vu, enfin, cette dame, née en Syrie à Alep. Il m'a semblé évident à l'instant précis de sa signature dans le petit cadre au bout de la ligne portant son nom que nous ne pouvions qu'être reconnaissants d'être là ou nous étions à pouvoir simplement exprimer notre choix.