A Mayotte, une manifestation contre la vie chère s'est transformée en mouvement social paralysant toute l'activité économique depuis cinq semaines. Ce n'est pas la première fois que la population exprime son mécontentement contre la vie chère. Les syndicats qui rêvaient de reproduire un scénario à la Gouadeloupéenne depuis des mois ont martelé leur message dans une période favorable : le mois des grands mariages immédiatement suivi du mois du Ramadan puis de la rentrée scolaire a vidé les comptes en banque des foyers. La manifestation a donc rassemblé un jour, puis deux puis plusieurs. A chaque fois, le jeune préfet dont c'est le premier poste, sur l'île depuis un mois, veut rétablir l'ordre républicain et la liberté de circulation. Mal lui en a pris. La rancœur s'est focalisée sur son action et a attisé la violence. Néanmoins, les négociations se poursuivaient. A près quinze jours de blocage total de l'île (magasins fermés, routes barrées, entreprises sans salariés) on imaginait la signature d'un accord. Seule F.O. l'a signé sentant un dérapage du mouvement, manipulé par des leaders syndicalistes radicaux dont l'un se présente aux prochaines législatives ! Depuis cette date et dans les trois semaines qui ont suivi, les barrages se sont multipliés, des magasins ont été pillés et brulés, des automobilistes rackettés, des clients qui cherchaient à acheter, molestés et des travailleurs priés fermement de sortir de leurs bureaux. Les jeunes qui devaient reprendre le chemin des écoles ont poursuivi leur vacances sur les routes remontant ici un barrage (souvent un manguier centenaire abattu le long de la route) que les forces de l'ordre déblayaient là, caillassant sans distinction, police, gendarmerie, pompier et ambulance. Les leaders politiques, incapables de se situer par rapport au mouvement n'ont d'abord pas pris la mesure de ce qui se déroulait (déplacements hors de Mayotte au Danemark, à Madagascar....) puis ont voulu soutenir la contestation avant de se taire face aux excès. Et puis il y a eu un mort dans des circonstance floues. Probablement bientôt érigé au rang de martyr des combattants contre la vie chère, il était plus certainement tranquillement en train de boire une bière à la buvette du coin et s'est retrouvé par hasard au milieu d'une bataille rangée. Les chefs d'entreprise ont mis un actif du privé sur six au chômage technique et se demandent s'ils vont survivre à un mois de chiffre d'affaires nul dans un contexte de crise économique et de retards de paiement des collectivités représentant plusieurs mois et années d'activité.
Une lueur de sortie de conflit parait pour cette semaine. Les magasin sont rouverts pour nourrir la population lassée qui avait faim et un négociateur vient de métropole renforcer le médiateur déjà nommé mais rejeté (les syndicalistes en demandant un médiateur ont cru recevoir un envoyé du gouvernement aux poches pleines). Il y a moins de cent manifestants chaque jour et des jeunes aux barrages sur toute l'île. Chacun à Mayotte retient son souffle pour que le début de semaine soit celui de la fin du conflit mais personne n'irait parier un euro la dessus tant la stratégie syndicale s'élabore au jour le jour et la population est versatile.
A la Réunion, la situation est hors de contrôle depuis une semaine. L'incendie s'est déclaré sur les hauts de l'ouest. Attisé par le vent soutenu, plusieurs foyers d'origine criminelle ont brulé près de 2700ha soit 1% de la suface de l'île. Les flammes ont ravagé une partie du parc national de la Réunion récemment déclaré patrimoine de l'humanité et foyer d'une faune et d'une flore endémique unique. C'est une des richesses de l'île qui part en fumée. Les pompiers luttent d'arrache pied dans des zones difficilement accessibles et très sèches alors que la saison des pluies débute à peine. Épuisés, ils viennent de recevoir le renfort de 172 collègues de métropole. La polémique enfle sur les matériels disponibles en particulier sur le manque de moyens aériens. Les Réunionnais fustigent la décision du préfet de ne pas faire intervenir un bombardier d'eau de la métropole comme l'an dernier. Les réseaux sociaux s'enflamment eux aussi ! La colère est à la hauteur de l'impuissance. Décidément, en période de crise, il n'est pas bon être le représentant du gouvernement. Les pompiers ne sont pas optimistes pour les heures qui viennent...Personne ne peut dire comment va évoluer la situation sur les multiples fronts de flammes. Certains invoquent les esprits et dansent pour que la pluie tombe. D'autres en appellent à un rassemblement pacifique ce lundi pour faire pression et obtenir plus de moyens.
Mayotte, La Réunion, deux îles meurtries de l'océan Indien, deux populations qui ont le sentiment d'être laissées à l'abandon par la métropole dans des situations qui les dépassent. Les relations avec les territoires d'outre-mer sont décidément complexes. Au delà, c'est sans doute la notion même de nation, une et indivisible que la vie chère et les incendies mettent à mal.