Suivant de près les nombreuses festivités des enfants, le point d'orgue du mois de juin fut le marathon de la première compagnie à la date du 29.
Depuis son retour de métropole en janvier, il court au rythme inédit de six fois la semaine. La motivation est forte pour soutenir les intenses efforts et laver le fiasco de Londres 2012 et le demi-echec de Saint-Paul 2013. Dans sa tête, les paroles du coach le poussent sans cesse : "Le travail, le travail !".
Malgré le climat qui se rafraîchit et l'air qui s'assèche, les séances d’entraînement encrassent les muscles des jambes; les mollets semblent ne jamais s'assouplirent. Le calendrier est défavorable, le championnat 10km et le semi-marathon arrivent tard dans le cycle de préparation spécifique au marathon. Malgré de mauvaises sensations, le 10 km voit une amélioration notable sur le temps de l'an dernier (plus de quatre minutes en moins). Si le semi est annulé faute de participant, le super coach réussit l'exploit de l'organiser pour le groupe de Déniviens avec ravitaillements, épongeages, tous les cinq kilomètres signalés sur un parcours exigeant sans oublier ses encouragements. Le temps final est une satisfaction, là encore, en net progrès. Le chronomètre ne ment jamais. L'analyse du rythme du 10 et du semi inclus dans un cycle de préparation indique à coup sûr le temps au marathon. La perspective de descendre sous les trois heures trente est là, au bout des 12 semaines spécifiques dédiées à la plus ancienne course qui soit.
Les kilomètres avalés s'accumulent tantôt sur la piste, tantôt sur la route ou même encore dans l'herbe. Les semaines sont de plus en plus dures. Jamais, il n'avait autant couru en une semaine; cent kilomètres en sept jours dont un dantesque 24*400m suivi de près par un 6*1500m, entrecoupés par trois sorties au dessus de deux heures et une PPG pour agrémenter le tout ! Le corps crie au repos et le coach justifie le travail sur la fatigue. Si les muscles se remettent inlassablement au travail, ils le doivent à deux produits peï : le baume Kalmanou et la spiruline Spirit' it. Alors que l’entraînement s'allège dans les quinze derniers jours, aucun signe de fraîcheur n’apparaît, le doute ne s'installe pas pour autant tant la confiance dans la cohérence du programme est grande.
La prévision météo est bonne pour le dimanche, fraîcheur relative et couverture nuageuse sur Saint-Paul. Le parcours propose deux boucles empruntant les longues rues de la ville puis le bucolique Tour des Roches et une arrivée dans le stade. Couché tôt, levé à trois heures pour un petit déjeuner normal comme pour le marathon de Rotterdam et laisser le temps à l'estomac de se vider. Marathoniens et coureurs du semi se regroupent sous la bannière et le départ est donné à l'aube presque à l'heure. Le premier kilomètre est couru au rythme objectif comme pour son premier marathon parisien ce qui lui avait donné une grande confiance pour la suite. Le secret d'un bon 42,195 kilomètres est la régularité. Dimanche matin, les coureurs ne sont pas gênés par les véhicules car rappelons-le, la circulation n'est pas coupée. Pour autant, la sécurité est garantie par les nombreux signaleurs placés aux croisements des routes. A plusieurs reprises, dans Saint-Paul qui s’éveille, Ln et Gustave ravitaillent en eau et arrosent leur mari et père en plus des verres d'eau et éponges distribués tous les cinq kilomètres. Le dixième kilomètre devrait être un soulagement puisqu'il affiche 48'40'' mais une tension en haut du mollet gène notre coureur. Il y a deux ans, ce quart de sang anglais avait terminé blessé au mollet le marathon de Londres. Il tente de divertir son esprit en accrochant son regard à des détails urbains qui alimentent une réflexion futile qui n'a d'utilité que d'éviter de se fixer sur le durcissement musculaire. « Rester souple, ne pas paniquer, tu as déjà couru en ayant mal ». Le passage dans le Tour des Roches est agréable à cette heure, on sent la fraîcheur de l'eau de part et d'autre de la route qui enserrent les coureurs approchant la roue à aube. Les nuages hauts masquent maintenant le soleil. L'éponge humide calée entre le cuissard et le bas du dos est une merveille d'efficacité. Aucune sensation de chaud ne vient perturber la régularité de la première compagnie. Ça et là, quelques Deniviens excités l'encouragent, le mouillent, l'applaudissent ou le photographient. Sortie du Tour des Roches, il entame la partie la moins agréable du parcours dans la zone commerciale. Alors qu'un coureur du semi en finit, il interpelle bruyamment un signaleur pour être sur d’être sur la bonne voie, celle de ceux qui entament un deuxième tour. La gène du mollet s'estompe et le chrono est parfait. Pour autant, il n'ya aucune euphorie qui viendrait dérégler la fréquence régulière des foulées sur l'asphalte de l'homme au débardeur bleu.
Il se retrouve maintenant seul. Autant qu'il puisse voir, au bout de chacune des trois longues lignes droites qui se succèdent, aucun coureur, donc pas de lièvre en vue. Cela va durer 10km. Il a vecu cette expérience l'an dernier entre le cap la Houssaye et l'entrée dans le Tour des Roches et il avait craqué, esseulé, aussi à cause du soleil lourd qui l'avait assommé. La lassitude ne s'emparera pas de lui aujourd'hui.
Il remarque une baisse de l'allure affichée sur le petit écran du boîtier électronique nouée autour du poignet gauche, les deux psoas sont douloureux. Début d’inquiétude qui dure deux kilomètres. Il se rappelle les mots du coach prononcé à l'issue d'un entraînement lors des étirements : « Le psoas est le lieu de concentration des toxines et il devient alors douloureux ». S'il a mal aux deux psoas, ce n'est pas une blessure mais bien le phénomène décrit. Il se dit qu'une accélération ne devrait pas augmenter l'intensité de la douleur. Il relance la machine. Rien d'inquiétant ne se produit. « Bref, il suffit d'avancer avec le mal, ça ne sera pas pire!» se dit-il ! Plusieurs fois, il s'invective violemment et se gifle pour que l'allure remonte à 5minutes au kilomètre ; les rares spectateurs doivent penser qu'il est fou !
Voyant Ln, il donne des consignes pour anticiper la prise d'un demi gel énergétique au 27ème km. Dans les derniers hectomètres du centre de Saint-Paul, des coureurs au ralenti sont rattrapés et dépassés ce qui permet de limiter la baisse d'allure. De même, au deuxième passage dans le Tour des Roches, chaque coureur dépassé est l'occasion d'encouragements à ces stakhanovistes de la foulée, maintenant dans le dur. Il attend de voir Ln et d'absorber le reste du gel car les jambes sont lourdes. Par contre aucune douleur sous les pieds. Une enième pensée positive vient alléger cette fin de course : « Bon choix de chaussures ! ». Ln n'est pas au bord de la route avec le précieux liquide energétique. A la place il prend une rasade de coca au ravitaillement qui vient. Il reste cinq kilomètres et deux vélos viennent à sa rencontre : deux dalons* vont maintenant l'emmener jusqu'au bout. Et il en a besoin car s'il n' a pas connu la brutalité du mur, l'allure a baissé et la réalisation de l'objectif est incertaine. Arrosé de la tête au pied, fustigé par les accompagnateurs, il avance avec cette obsession des 3h30, se gifle encore et avale la dernière bosse relativement bien. Revoilà Ln. « Tu veux ton gel ? ». Réponse, à peine aimable : « C'est trop tard ! ». Le faux plat descendant qui suit est l'occasion de relancer quelque peu la fréquence de la foulée. Encadré par les deux cyclistes, il avance écoutant l'allure annoncée et les encouragements. Dernier rond-point, à la sortie de la zone commerciale, il reste deux kilomètres et demi. Un coureur à l'agonie est l'occasion de fixer son attention pour le doubler. Le tour à l'extérieur du stade est interminable et pourtant il faut s'employer pour être sous les 3h30. Cela va être juste...Au 41km, un petit miracle se produit, un coureur doublé précédemment, finit bien sa course, il va servir de lièvre. La bave aux lèvres, il allonge la foulée, monte les genoux, redresse le buste, place son bassin haut, autant de détails répétés lors des entraînements et corrigés par le coach. L'entrée dans le stade est en vue, il annonce « Moins de 3h30 ! » pour se donner un ultime élan. Un coup d’œil sur la montre et maintenant sprinter sur la piste. Il tire sur les bras, accélère encore.
Le passage sur la ligne d'arrivée arrête le chronomètre officiel : 3h29'51''. Merveilleuse sensation que de réaliser son objectif ! La suite n'est que plaisir. Félicitations des uns et des autres, remerciements aux accompagnateurs, à Ln et à Gustave. Retour à la maison, absorption d'un litre d'eau, douche, sieste de 15mn et repas avec les déniviens intitulé "After Marathon".
Après deux jours les courbatures ont disparu, Aucune fatigue générale dans les jours qui suivent. L’ostéopathe trouve qu'il sort à peu près indemne de la course, signe d'une bonne préparation. L'entraînement a repris et dans cinquante et une semaine, il y aura son dixième marathon et pour faire mieux encore, il faudra perdre quatre kilos. Cela commence maintenant !
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